« Koh-Lanta » : Les réseaux sociaux, perturbateurs des stratégies et de la vie sur le camp
Lorsque Coumba pose les pieds en Nouvelle-Calédonie pour son premier Koh-Lanta en 2005, YouTube vient à peine de naître. Quand Christelle se rend aux Philippines pour participer au jeu de TF1 en 2008, Instagram n’existe pas. A l’inverse, au moment où Clémentine devient finaliste du programme en 2017, la haine s’étend sur Twitter. Sur ce même réseau social, on érige Claude et Teheiura en héros pendant « la saison du confinement ». En vingt ans, l’émergence des réseaux sociaux a contribué au succès populaire de Koh-Lanta mais elle a également creusé un fossé entre deux générations d’aventuriers et d’aventurières.
C’est en tout cas ce que croient certains candidats et certaines candidates ayant participé au jeu de survie dans les années 2000. « Il y a vraiment un décalage entre l’ancienne génération et la nouvelle génération d’aventuriers. On n’a pas la même approche de l’aventure », analyse Jade lors de la présentation de la saison à laquelle 20 Minutes a assisté. La raison de la discorde ? Le poids des réseaux sociaux.
« Attention à ce que tu fais contre moi »
« Ce qui a changé par rapport à avant, c’est la pression des réseaux sociaux, admet Cindy. Tu sens que des gens sont portés par le public plus que d’autres. Tu as peur : si tu fais un coup de maître, tu es peut-être plus dans la retenue. Avant, les gens y allaient et jouaient Koh-Lanta à fond. Aujourd’hui, tu fais toujours un peu attention parce que c’est tellement violent que tu n’es jamais préparée. » Un constat auquel Clémentine, cible du Net lors de sa première participation à l’émission, consent en expliquant avoir dû « tourner [sa] langue sept fois dans [sa] bouche avant de dire les choses. »
Selon Jade, « les décisions sont complètement faussées » à cause des réseaux sociaux qui font désormais partie « de l’équation de l’aventure ». Parmi les phrases que l’on pouvait entendre pendant les tractations sur le camp, la candidate rapporte des propos qui pourraient s’apparenter à des menaces : « Attention à ce que tu fais contre moi, tu vas te faire lyncher après » ou encore « si tu essayes de m’éliminer, peut-être que ma communauté pourrait mal le prendre ».
Les plus accros aux réseaux sociaux pointés du doigt
Coumba, qui a participé au jeu à trois reprises en 2005, 2010 et 2012, estime qu’elle n’a pas vécu le même Koh-Lanta qu’auparavant pendant le tournage de La légende. « Même les stratégies ne sont pas sincères parce que certains font beaucoup attention à ce qu’ils disent, à ce qu’ils font, ils ne se mouillent pas et je trouve ça dommage de ne pas assumer », regrette-t-elle. Sans donner de nom, Jade ajoute que c’était « surtout les gros comptes » qui prenaient en compte cet aspect-là dans leur jeu.
« En repartant [pour une nouvelle saison], je me suis demandé si les décisions qui allaient être prises seront sincères et honnêtes et s’il n’y allait pas y avoir cette implication des réseaux sociaux, continue la candidate. C’est ce que je regrettais et ça s’est confirmé quand je suis arrivée. L’aventure n’est pas comme on l’a connue à l’époque et je trouve ça dommage », témoigne Jade qui confie avoir été « psychologiquement affectée » par cette aventure. Pour elle, c’est sûr, il s’agissait de sa troisième et dernière participation au programme.
Des paroles et des actes
Après les mots, l’image. Outre la peur des représailles sur les réseaux sociaux si du mal est fait à l’un des chouchous du public, certains candidats et candidates estiment que d’autres participent en partie à l’aventure pour s’afficher en prime time devant six millions de personnes. « Pour moi, aujourd’hui, c’est de la téléréalité par rapport à mes saisons en 2009 et 2012 », lance Patrick. « Il y a beaucoup de personnalités show off [qui friment] donc c’est pour ça que Patrick dit que c’est de la téléréalité, il y a moins ce naturel de la personnalité, complète Jade. Tu as été casté parce que tu as une personnalité comme celle-là et on attend de toi que tu sois comme ça et pas dans la retenue. »
« Du posing ! », s’exclame Coumba à la suite de cette conversation. « Les gens sont toujours en démonstration. Par exemple, quand Denis [Brogniart] nous convoque aux épreuves et que l’on doit attendre qu’il donne les consignes, il y a du posing, c’est trop prononcé », détaille-t-elle. Une chose qu’elle a remarquée et contre laquelle elle s’est insurgée pendant le tournage. « Mais c’est quand que tu vas être normal, que tu vas être toi ? Pourquoi tu fais ça ? », aurait-elle demandé aux concernés.
Un discours nuancé par la production
Lorsqu’on lui rapporte ces paroles, Denis Brogniart semble étonné. « Je pense que c’est vrai avant et après, ce n’est pas vrai pendant, estime-t-il. C’est tellement dur, c’est tellement compliqué que tu ne fais pas attention à ton apparence physique. » Toutefois, l’animateur le reconnaît : certains candidats et candidates profitent de leur passage dans l’émission pour capitaliser sur leur image à travers les réseaux sociaux. « Cindy, elle vit grâce à ça aujourd’hui. Elle ne s’en cache pas parce que c’est devenu un métier. Une fois que tu es resté suffisamment longtemps, tu peux essayer de faire fructifier », témoigne-t-il.
« Mais pendant, je crois sincèrement qu’il n’y a pas une grande différence, continue Denis Brogniart. Je n’ai jamais vu des gens se dire qu’ils devaient faire comme ci ou comme ça parce qu’il y a les réseaux sociaux, parce que ça donne une popularité plus grande ou différente en fonction du comportement. » Du côté de la production, on est également surpris par les révélations faites par les candidats et candidates. « Je leur ai demandé s’ils avaient eu l’impression de vivre différemment cette saison des précédentes, raconte Alexia Laroche-Joubert. Tous m’ont dit qu’ils étaient hyper naturels. »
La productrice explique que Koh-Lanta relève d’un « état d’esprit différent » des autres émissions de téléréalité. « C’est quand même très loin de tout ce que l’on connaît dans les castings de téléréalité où pour le coup, c’est leur métier, ils vivent de ça », conclut-elle. Parmi tous les aventuriers et toutes les aventurières ayant déjà participé à l’émission, une quinzaine a dépassé les 200.000 abonnés sur Instagram et une seule, Jesta, qui ne fait pas partie de La légende, compte plus d’un million de followers.
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