JO 2021 : « Je pense à ma sélection tous les matins », avoue le coach des Bleus Vincent Collet
Derrière le masque, son visage émacié se devine. « Je n’en avais déjà pas trop mais j’ai perdu 5 à 6 kg en dix jours. Je suis en train de les reprendre », avoue Vincent Collet. Tout juste remis du Covid-19, le sélectionneur des Bleus a accepté de se confier. Depuis Strasbourg, où il est resté vivre après avoir été démis de ses fonctions de coach de club en janvier 2020.
Malgré cette mine encore fatiguée par le virus, le technicien, en place depuis 2009, a « hâte » d’embarquer dans l’aventure Jeux Olympiques. Première grande étape cette semaine avec l’annonce d’une liste élargie à une quinzaine de joueurs, réduite un peu plus tard à douze noms. Puis la préparation débutera le 23 juin à l’Insep avant un stage à Pau. Les Bleus ne seront alors plus qu’à un mois de leur entrée en lice au Japon. Contre… les Etats-Unis.
La première question s’impose, comment allez-vous ?
Click Here: parramatta eels jersey
Mieux qu’il y a un mois ! Je suis en phase de récupération active mais physiquement, c’est encore dur. Moi qui courais un peu d’habitude, je suis obligé d’y aller progressivement.
Hormis cette période délicate, à quoi ressemble votre quotidien ?
Il y a deux pôles principaux. D’abord celui de l’observation. Avant de venir vous voir ce midi, j’ai regardé la prestation de Vincent Poirier (Real Madrid) contre Valence et la veille, c’était les rencontres de Nicolas Batum et Frank Ntilkina. Je vois énormément de matchs, parfois cinq à six par jour, en direct ou non. Surtout de l’Euroligue car collectivement, c’est ce qu’il y a de plus proche du basket international, moins de NBA. Le deuxième pôle justement, c’est de se tenir au courant de ce qui se fait au plus haut niveau mondial. Ça m’ouvre des réflexions. Je me nourris de tout ça pour savoir quel va être notre jeu cet été.
Pensez-vous être devenu un meilleur sélectionneur depuis que vous n’avez plus cette double casquette de coach de club ?
J’ai des conditions différentes, ça me paraît évident. Tout ce travail d’observation, je le menais déjà les années précédentes mais pas avec la même acuité. J’ai aussi eu une phase de récupération à l’automne (après le Mondial) qui m’a permis de me régénérer. Avec Valérie Garnier (la sélectionneuse des Bleues), on a également travaillé avec un coach mental. Ça m’a encore permis d’apprendre et je n’aurais pas eu le temps de le faire en continuant en club.
En début de saison, je me demandais comment se passerait mon année sans trop coacher. J’ai eu la chance d’aller une fois par mois à l’Insep diriger les jeunes du Pôle France. Ça m’a fait du bien. Entraîner m’a plutôt manqué mais je l’ai mieux vécu que ce que je croyais. Sur la durée, il faudra voir ce que ça donne car il y a un vrai travail de réflexes dans le métier pour savoir par exemple quand poser les temps morts. J’espère vite les retrouver !
Aujourd’hui, cela vous semblerait inconcevable de mener de nouveau ces deux métiers de front ?
C’est difficile d’avoir une position tranchée. J’étais en club les années précédentes et, comme pour les joueurs, c’est important de jouer régulièrement. Puis la question ne se pose pas pour le moment car mon contrat arrive à son terme en août prochain.
Mais vous avez envie de continuer jusqu’aux Jeux Olympiques de 2024 à Paris…
Oui mais je sais comment ça se passe dans le sport de haut niveau. C’est le résultat à Tokyo qui permettra à la Fédération de décider et j’accepte cette règle du jeu. Même si cela présente un vrai problème de timing si je devais m’engager ailleurs
Cela veut-il dire qu’en attendant, vous refusez toute proposition d’un club ?
Sincèrement, le marché est très fermé actuellement et les coachs sont bien en place. Pour l’instant, je n’ai pas eu de sollicitation, peut-être aussi parce qu’on sait que je suis en équipe de France. Tout ça ne m’affole pas. Je ne pense pas à ça en me réveillant. Je pense plutôt à ma sélection tous les matins.
L’annonce de votre liste est pour cette semaine. Comment allez-vous construire votre groupe ?
Aujourd’hui, il y a 18 ou 20 joueurs qui méritent d’être dans les 12 qui partiront aux JO. C’est une des premières fois où l’on a autant de candidats crédibles [Yabusele, Fall, Heurtel, Maledon ou d’autres n’étaient pas là en 2019 et postule cette fois]. Pour moi, c’est une vraie difficulté de choisir. Il y a déjà une ossature d’équipe importante mais pour compléter, ça demande à chaque fois réflexion.
On rentre dans les problèmes de complémentarité, de performance sur un temps de jeu donné et c’est tout ça qui va faire la décision. Il faut qu’on arrive à composer l’équipe dont on a besoin, pas celle liée uniquement aux performances brutes des joueurs. On doit arriver à trouver une cohésion opératoire pour nous permettre d’atteindre nos objectifs. Il faut donc faire des choix en prenant le plus d’informations possibles en amont et réfléchir au mieux à tous les paramètres. Mais sans jamais avoir de certitudes, au mieux des convictions.
Cette liste, vous avez dû la faire et défaire autant de fois, non ?
Oui, bien sûr même si elle ne change pas du tout au tout. On reprend la structure d’équipe de la Coupe du monde car ça a bien fonctionné (médaille de bronze). Il ne faut pas tout bouleverser. Après, on souhaite améliorer l’équipe par petites retouches pour gravir des marches supplémentaires. On a encore des incertitudes et on en aura jusqu’au bout.
Cette étape passée, vous entrerez vraiment dans la préparation fin juin en stage à Pau. Quel genre de sélectionneur êtes-vous au quotidien ?
Pour être dans le basket depuis plus de quarante ans, je dois déjà dire que j’ai un groupe sérieux et travailleur. Il caractérise cette génération-là. L’une de mes grandes missions, c’est que les joueurs s’approprient les objectifs et tout ce qui peut nous permettre de les atteindre. Dès les premiers jours, on va définir des principes auxquels on se tiendra. Je suis dans la coconstruction, je veux que les joueurs participent à tout ça.
Avez-vous toujours été dans cette optique ?
J’ai évolué avec les années et c’est un métier où il faut rester apprenant tout le temps. Je ne sais pas si j’étais plus directif avant mais je n’avais pas cette vision de coconstruction. Dans les quinze premiers jours de la préparation, on devra aussi définir les rôles de chacun. Tout le monde n’a pas le même et ça passe par du dialogue. Certains passent de leader dans leur club à une autre fonction en sélection et ce n’est pas toujours évident à faire comprendre.
Ce sera aussi le temps de travailler votre jeu. Va-t-il changer pour cette nouvelle compétition ?
Oui, il y aura pas mal de changements, comme c’était déjà le cas en 2019. Mais on ne va pas tout réinventer non plus ! On part sur une dizaine de systèmes différents. Tous les joueurs les auront en début de stage sur papier, avec les différentes options.
Parlons des Jeux Olympiques. Les Bleus sont tombés sur un groupe assez terrible…
On ne connaît pas encore notre deuxième adversaire mais on peut craindre que ce soit le Canada, la Grèce ou la Turquie, qui s’affronteront en tournoi de qualification. Avant, on débutera contre les Etats-Unis. On ne sait pas à quoi ressemblera leur équipe mais je pense qu’elle sera encore plus forte que l’an dernier (quand les Bleus les avaient fait tomber, en quart de finale de la Coupe du monde). Je pense qu’il y aura une ou deux têtes d’affiche parmi LeBron James, Kevin Durant ou Stephen Curry. Ce sera une Dream Team… J’ajoute qu’il faudra aussi se méfier de l’Iran. J’ai regardé un de leur match contre l’Espagne à la Coupe du monde 2019. Ils menaient à la 15e minute face au futur champion.
Est-ce une bonne ou une mauvaise nouvelle d’avoir les Etats-Unis avec vous ?
C’est intéressant de les avoir dans la poule car en cas de quart de finale, on sait qu’on ne les y jouera pas. Mais ce qui n’est pas bien, c’est que les deux meilleurs troisièmes de chaque groupe sont qualifiés… Avoir les Américains avec soi rend la chose plus difficile car on peut supposer qu’ils vont produire les plus gros écarts. Malgré tout, on tentera de faire un exploit face à eux.
Sachant qu’ils pourraient aussi être gênés par les play-off NBA… Le match 7 de la finale est prévu le 22 juillet, soit trois jours avant votre affrontement !
Cette inconnue peut aussi nous embêter dans la préparation mais c’est vrai, moins qu’eux. C’est difficile aujourd’hui de savoir qui ira loin.
Revenons en France. La saison a été assez incroyable pour les clubs de Jeep Elite. Monaco a gagné l’Eurocoupe, l’ASVEL n’a pas déçu en Euroligue et Strasbourg s’est hissé en demie de la Ligue des Champions. Expliquez-vous ces bons résultats ?
Ce sont clairement de belles performances et des signes positifs, oui. Après, pour parler du championnat, c’est la première fois cette année qu’on observe une telle césure entre les huit premiers et les autres. Peut-être parce que les meilleures équipes ont progressé, je ne sais pas. J’ai dû mal à analyser tout ça. La saison est vraiment particulière avec des salles vides. J’espère qu’on va vite revenir au sport qu’on aime, partagé avec le public.