Des insecticides impactent la compréhension verbale et la mémoire des enfants
Les enfants exposés aux pyréthrinoïdes, des insecticides utilisés aussi bien dans le milieu agricole que dans les produits anti-moustiques ou les shampoings anti-poux, ont une moins bonne compréhension verbale et une moindre mémoire de travail à 6ans, montrent les travaux d’un groupe de chercheur français, publiés dans la revue Environment International.
L'exposition à certains insecticides abaissent les performances cognitives des enfants.
Des insecticides largement répandusLes pyréthrinoïdes sont des insecticides employés dans le domaine agricole, vétérinaire (produits antiparasitaires) et domestique (
shampoings anti-poux, produits anti-moustiques). Ils agissent au niveau des neurotransmetteurs des insectes, dont ils provoquent la paralysie.Plus proches du sol, portant fréquemment des objets à leur bouche et assez souvent traités contre les poux, les enfants sont plus exposés que les adultes à ces insecticides, qu’ils absorbent à la fois par voie digestive et cutanée. L’élimination de ces produits se fait en 48h par les urines, dans lesquelles on en retrouve la trace sous forme de divers métabolites.Cécile Chevrier et Jean-François Viel, de l’Unité Inserm 1085-IRSET (Institut de Recherche sur la Santé, l’Environnement et le Travail, Rennes), ont travaillé avec deux psychologues du laboratoire de psychologie du développement et de l’éducation de l’université de Rennes 2, afin de déterminer l’impact des pyréthrinoïdes sur le développement des enfants.Evaluation des performances cognitives à l’aide de l’échelle WISCPour mener à bien leurs recherches, les auteurs des travaux ont sélectionné 287 femmes et leurs enfants inclus dans la cohorte PELAGIE (Perturbateurs Endocriniens : Etude Longitudinale sur les Anomalies de la Grossesse, l’Infertilité et l’Enfance), qui suit au total 3 500 couples mères-enfants depuis 2002 afin d’évaluer l’impact des composés toxiques de nos environnements quotidiens sur le développement de l’enfant.Ils ont évalué les performances neurocognitives des enfants à l’aide de l’échelle WISC adapté à leur âge (compréhension verbale et mémoire de travail), tout en prenant en compte le niveau intellectuel maternel et familial. Ils ont par ailleurs procédé au recueil d’échantillons d’urines et de poussières, et dosé 5 métabolites dans les urines maternelles qui avaient été recueillies entre leur 6ème et 19ème semaines de grossesse, ainsi que dans les urines des enfants à l’âge de 6 ans.Une baisse “énorme“ des performances cognitives“Les résultats montrent qu’une augmentation des taux urinaires chez l’enfant de deux métabolites (3 PBA et cis-DBCA) est associée à une baisse significative des performances cognitives“, rapportent les auteurs. Plus précisément, les enfants très exposés aux pyréthrinoïdes avaient en moyenne un indice de compréhension verbale inférieur de 2 points à la moyenne des enfants modérément exposés, tandis que les moins exposés avaient un ICV supérieur de 3 points. Un écart “énorme“, souligne Jean-François Viel, qui n’hésite pas à faire l’analogie avec les mesures de tension artérielle pour lesquelles une faible variation peut avoir un impact très important sur la santé.Or, insiste le chercheur, l’indice de compréhension verbale est le meilleur indice de prédiction de l’apprentissage scolaire : plus il est faible, plus l’enfant aura des difficultés pour apprendre. Quant à l’indice de mémoire de travail, basée uniquement sur la mémoire auditive, il est généralement faible en cas de troubles des apprentissages. “On sait aussi qu’un enfant sportif a des performances cognitives supérieures à la moyenne, tandis qu’un enfant scotché à un écran a des performances cognitives moindres“ (voir notre article “
La télé influence le QI“).Par contre, aucun lien n’a été établi avec l’exposition aux pyréthrinoïdes des mères pendant leur grossesse et les performances cognitives des enfants.“Aérez, aspirez, et évitez les bombes aérosols“Si des études doivent confirmer ces résultats, ceux-ci pointent déjà “la responsabilité à faibles doses de la deltaméthrine en particulier (puisque le métabolite cis-DBCA est son métabolite principal et sélectif) et des insecticides pyréthrinoïdes en générale (puisque le métabolite 3-BPA est un produit de dégradation d’une vingtaine de ces insecticides)“, conclut Cécile Chevrier.Jean-François Viel rappelle que la littérature internationale a déjà établi le même lien entre les substances organophosphorées et les performances cognitives.Selon lui, “des efforts de recherche doivent se poursuivre afin d’identifier des causes qui puissent faire l’objet de mesures de prévention“. “On pense que les poussières constituent un véritable réservoir dans lequel s’accumulent les pyréthrinoïdes. Ceux-ci étant surtout contenus dans les produits à usage domestique, les gens peuvent agir pour réduire leur exposition en aérant leurs pièces, en passant régulièrement l’aspirateur, en évitant l’utilisation de bombes aérosols, de serpentins contre les moustiques…“.Amélie PelletierSources :
– Communiqué de presse de l’Inserm, 10 juin 2015.
– Entretien avec Jean-François Viel, professeur des universités – praticien hospitalier au département d’épidémiologie et de santé publique de l’Université de Rennes 2, et chercheur à l’Unité Inserm 1085-IRSET (Institut de Recherche sur la Santé, l’Environnement et le Travail, Rennes), le 10 juin 2015.
– “Pyrethroid insecticide exposure and cognitive developmental disabilities in children: the PELAGIE mother-child cohort“, J-F Viel, C. Chevrier, et al. Environment International, 2015 (
résumé en ligne).Click Here: All Blacks Rugby Jersey